04/03/2008

"cette oeuvre est un cri": "Le Plancher de Jean", de Martin d'Orgeval

Exceptionnelle.

L'exposition présentée par la Maison de la photographie, à Fives, est fascinante et déroutante.
Elle présente le regard du photographe Martin d'Orgeval sur une oeuvre pleine d'émotion: celle de Jean, un homme atteint de schizophrénie qui a gravé ses angoisses sur le sol de sa chambre.

1baddf7a99b64a45d6dff58b04973751.jpeg

Jean, c'est un béarnais né en 1939. A 20 ans, son père se suicide et Jean se retrouve chef de famille. Il doit alors gérer la ferme familiale avec l'aide de sa mère et de sa soeur Paule, qui souffre de troubles du comportement. Jean développe lui aussi des troubles psychiques (psychose et schizophrénie).
Lorsque sa mère meurt, en 1971, l'homme sombre dans l'isolement le plus complet. Il s'enferme dans sa chambre, développe des délires paranoïaques et se laisse envahir par l'angoisse.
Cloîtré entre 4 murs, il va passer son temps à graver sur le sol de sa chambre ses hallucinations et ses peurs. Il meurt cinq mois seulement après sa mère, en 1972, à l'âge de 33 ans.

En 1993, le plancher de Jean est récupéré par une antiquaire et son père, un psychiatre passioné d'Art Brut. Il sera exposé à la Bibiothèque nationale de France puis à l'hôpital Sainte-Anne où il est présenté depuis juin 2007.

Touché par l'artiste, Martin d'Orgeval a voulu photographier son oeuvre. Mais c'est encore lui qui en parle le mieux:
" Mon travail est aussi documentaire. Je ne cherche pas à imposer un message ou une interprétation.
Chacun a voulu voir ce qu'il voulait. Ces points, là, dans le plancher, pour certains, c'est du braille, pour d'autres une constellation ou pour d'autres encore des balles de pistolet.
J'aime cette idée qu'une oeuvre d'art n'a pas un sens définitif, qu'il y a un mystère."


Captivé par les photographies, le visiteur se laisse bercer par une voix qui chuchote les textes de Jean. Des mots murmurés, pour évoquer l'enfermement et le délire. Parfois le son s'arrête, on entend des voix désynchronisées puis le lecteur reprend, susurrant chaque mot.

"Cette oeuvre est un cri" affirme Martin d'Orgeval.
"en la gravant sur le sol, [Jean] l'a fait de manière permanente, pour être vu, pour durer mais sans public. Cette oeuvre est un cri mais pour personne."


La Maison de la photographie se trouve au 18 rue Frémy, à Lille (Fives).
La Galerie est ouverte le samedi et le dimanche de 11h à 18h et en semaine sur rendez vous.